Sunday, July 10, 2011

IMMOBILISME AU QUÉBEC



 La planète est en crise, mais le Québec vit une situation de l'ampleur du tier-monde, subissant un désordre financier et économique inédit depuis la grande crise de 1929. Que s'est-il passé de concret sur le plan social depuis lors ? Rien, ou plus exactement pas grand-chose...


Les sujets de mécontentement, d'injustices voire de scandales ne manquent pas, l'emploi et les salaires se dégradent, les libertés se restreignent, les conditions de travail empirent. Et les gens ne font rien, de banales tribunes où la population jettent son venins sans fin et action.


Pour ce qui est des tribunaux en général, on est rendu comme la maxime de Lafontaine « Selon que vous serez puissants ou misérables, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ». Aucune idéologie ou principe social n'offre de contre partie. Les ignares ont tribune, pendant que les autres las de se faire interrompre dans leur oeuvre, cesse de s'acharner a mettre sous respirateur artificiel des organismes et des gens, qui ne font pas grand choses dans les faits.


La liste n'est pas exhaustive et le constat est toujours identique : rien à ce jour n'a suscité une réaction sociale d'envergure que chacun, jusqu'aux plus hautes sphères du pouvoir, redoutait. Dès lors, comment expliquer l'apathie actuelle du corps social, cette forme de torpeur dans laquelle nous sommes plongés depuis plusieurs mois,  cette absence de réaction collective et significative face à la crise, aux injustices, aux inégalités ? J'y vois trois raisons principales...


La première est liée à l'action de l'Etat, qui vise à détourner ceux qu'il administre des problèmes auxquels ils ont à se confronter. Chomsky affirme que « l'endoctrinement est à la démocratie ce que la contrainte est à la dictature ». Sans parler du fond de la controverse. Le peuple québécois semble avoir une attirance vers les guérilla de clocher et la rumeur. Les ignares se batissant une perception au gré de la rumeur et non sur les faits.


La seconde raison de cet immobilisme social est davantage liée à notre mode d'existence. On parle souvent d'individualisme triomphant, caractéristique de nos sociétés modernes qui étouffe les velléités de lutte collective. Tocqueville définit l'individualisme comme « un sentiment réfléchi et paisible qui dispose chaque citoyen à s'isoler de la masse de ses semblables et à se retirer à l'écart avec sa famille et ses amis ».  Tant que nos intérêts vitaux sont préservés, tant que le confort relatif dans lequel nous vivons n'est pas clairement remis en cause, les changements idéologiques paraissent trop abstraits et les conséquences de nos actes se mesurent alors en terme d'enjeux : il y a davantage à perdre qu'à gagner dans la contestation. Quand, en plus,  cet individualisme se conjugue avec une forme d'hédonisme, notamment à travers la consommation de loisirs, il tend à dissoudre toute forme de rébellion ou à détourner les énergies des vraies préoccupations : « le sportif trouve son bonheur dans la victoire qu'il remporte sur lui-même. Or se vaincre, c'est déjà se soumettre à la réalité, donc cesser d'être protestataire, contestataire, révolutionnaire » (Alfred Grosser). 



 La question n'est cependant pas de contester le loisir, mais davantage sa pratique exclusive sur un mode consumériste et individualiste qui éloigne toute forme d'engagement collectif.

Enfin, Le troisième point m'amène à parler du dépérissement des formes de luttes sociales et de l'absence de vision d'ensemble des syndicats pour définir une ligne de conduite nationale. Le gouvernement s'est félicité à plusieurs reprises, non sans ironie, du sens des responsabilités des syndicats, capables de canaliser les mécontentements ... A bien y réfléchir, cette stratégie, volontaire ou non, n'a permis qu'à affaiblir encore davantage le syndicalisme et l'espoir que certains pouvaient encore placer en lui. En choisissant d'être réformiste aujourd'hui alors qu'il faudrait au contraire être intransigeant face à un pouvoir qui l'est tout autant, l'action syndicale se place à contre courant de la réalité sociale du pays.

 En attendant, de nouvelles formes de revendications s'organisent, délocalisées et de plus en plus médiatisées (désobéissance civile, séquestrations, actions « coup de poing »...), et tendent de plus en plus à occuper l'espace abandonné par l'action syndicale. Elles font néanmoins courir à leurs auteurs un risque disciplinaire ou même pénal bien réel, problème qui ne peut se dissoudre que dans la multitude des actions engagées...