Thursday, March 24, 2011

Les ravisseurs des deux humanitaires menacent de les exécuter




 FRANCE 24, un homme qui se fait appeler Abou Mohammed, affirmant s'exprimer au nom d’un groupe baptisé les "Aigles africains de la liberté" ou les "Aigles de la libération de l’Afrique", a pressé "le gouvernement français (de) négocier rapidement avec (son organisation), sans passer par les autorités soudanaises, auquel cas les deux otages seront tuées dans un bref délai".

Les ravisseurs dénoncent "l’accord" passé entre Paris et N’Djamena dans le cadre de l'enlèvement, par l'ONG française l'Arche de Zoé, d'une centaine d'enfants présentés comme des orphelins du Darfour, à l'automne 2007, dans l'Est du Tchad. Ils exigent "que les coupables soient remis en prison, que justice soit faite, que nos familles dont les enfants ont été retenus en France soient indemnisées".

À Paris, le ministère des Affaires étrangères et l'Élysée se sont refusés à tout commentaire dans l'immédiat. "Nous ne faisons jamais de commentaires sur ce type de dossier", a déclaré un porte-parole du Quai d'Orsay. De son côté, le président de l'Arche de Zoé, Éric Breteau, a affirmé qu'il était prêt à un nouveau procès si cela pouvait permettre la libération des otages.
"Nous sommes bien traitées"

Les ravisseurs ont permis à leurs deux otages de s’exprimer, dimanche, par téléphone. FRANCE 24 a recueilli le témoignage de la Française, Claire Dubois, qui s’exprimait visiblement sans trop de crainte ni de fatigue mais sous le contrôle de ses ravisseurs. "Nous sommes bien traitées, affirme l’otage française, nous avons à boire et à manger, il n’y a pas de violences". L’humanitaire dit aussi souhaiter "que tout cela aboutisse dans la paix et qu’on puisse rentrer chez nous au plus vite".

Claire Dubois et Stéphanie Joidon, les deux employées française et canadienne de l'organisation humanitaire Aide médicale internationale (AMI), ont été enlevées le 4 avril à Ed el-Foursan, dans le Sud de la région occidentale du Soudan.

FRANCE 24 (texte)
Meriem AMELLAL 

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Tous les humanitaires de la planète en ont marrent de servir d'objet de désir, de choses politiques, de monnaie d'échange, nous sommes -là pour vous aidez tous sans exceptions....

Thursday, March 3, 2011

PRINCIPE DE VIE GUERRIER PACIFIQUE

- Il n'y a pas de moments ordinaires

- Mieux vaut ne jamais commencer ; une fois qu'on a commencé, mieux vaut finir

- Incarne ce que tu enseignes, et n'enseigne que ce que tu incarnes

- Le secret du bonheur ne consiste pas à rechercher toujours plus, mais à développer la capacité
  d'apprécier avec moins.

-  Mieux vaut commettre une erreur avec toute la force de son être que d'éviter soigneusement les 
   erreurs avec un esprit tremblant

- Le secret du changement consiste à concentrer son énergie pour créer du nouveau, et non pas 
  pour se battre contre l'ancien.

- La connaissance seule ne suffit pas ; elle n'a pas de coeur.

- Nous sommes tous des imbéciles, mais certains le savent, certains ne le savent pas.

-  La mort n'est pas triste ; ce qui est triste, c'est que les gens ne vivent pas vraiment.

- La sagesse des siècles nous apprend qu'il suffit d'approfondir une chose pour en connaître 
  plusieurs autres.

- Avez-vous remarqué que les leçons dont nous avons le plus besoin, celles qui s'avèrent le plus 
  profitable, c'est toujours la vie qui se charge de nous les donner 
La vie n’est pas une affaire individuelle. Une histoire et ses leçons n’ont d’utilité que si elles sont 
partagées. 


Le monde que tu vois là, déclara-t-il en tendant le bras vers l’horizon, est une école. Seule la vie peut enseigner. Elle offre de nombreuses expériences, et si les expériences apportaient par elles-mêmes la sagesse et la plénitude, toutes les personnes âgées seraient des maîtres illuminés et heureux. Mais les leçons des expériences sont cachées. (…) Tu as fait beaucoup d’expériences mais tu as peu appris.
tu débordes d’idées préconçues, comme ce réservoir ; tu regorges de connaissances inutiles. Tu détiens nombre de faits et d’opinions, mais tu ne sais presque rien de toi-même. Avant de pouvoir apprendre, il te faudra commencer par vider ton réservoir.
je ne vais pas t’alourdir encore plus ; je vais te montrer la « sagesse du corps ». Tout ce dont tu as besoin se trouve en toi ; les secrets de l’univers sont imprimés dans les cellules de ton corps. Mais tu n’as pas appris la vision intérieure ; tu ne sais pas comment lire ton corps. (…) Lorsque tu connaîtras la sagesse du corps.
Tu comprends beaucoup de choses, mais tu n’as pratiquement rien réalisé. (…) La compréhension n’a qu’une dimension. Elle se situe au niveau de l’intellect et mène à la connaisance que tu as. En revanche, la réalisation a trois dimensions. C’est la compréhension simultanée du « corps entier »
- la tête, le cœur et les instincts physiques. Elle ne vient que par l’expérience claire.
La valeur d’un secret ne réside pas dans ce que tu sais, mais dans ce que tu fais (…) La connaisance
seule ne suffit pas ; elle n’a pas de cœur. Elle ne nourrit pas ton esprit ; elle ne peut pas t’apporter
le bonheur ultime, ni la paix. La vie exige plus que la connaissance ; elle exige une intense capacité
de sentir et une énergie inépuisable. Seule l’action juste insuffle la vie à la connaissance.

Le guerrier agit et le fou se contente de réagir.

Tu dois purifier ton corps de toutes ses tensions, libérer ton esprit de connaissances stagnantes et
ouvrir ton cœur aux énergies de l’émotion véritable.

Pour savoir où mène quelque chose, mieux vaut attendre d’arriver à la fin.
Notre vie se compare à l'ascension d'un sentier de montagne. En cours de route,nous devons affronter des défis de toutes sortes. Nous savons pour la plupart ce qu'il faut faire, mais pour effectuer de véritables changements, nous devons passer du savoir à l'acte. Dan Millman nous montre comment - nous engageant sur la voie du guerrier pacifique - nous pouvons transmuer nos intentions en actions,nos défis en forces et nos expériences en sagesse. 

CODE D'HONNEUR

Le Bushido : le code d’honneur du samouraï


Le samouraï se doit de respecter certaines règles qui servent à gagner le respect des autres
guerriers, afin d’être parfait sur l’aspect moral, social et martial, pour garder son honneur
intact.


Toutes ces règles viennent du code appelé « Bushido », qui vient de « Bushi », « guerrier » et
« Do », «chemin ou voie », signifiant la voie  du guerrier, une discipline mentale très stricte
qui consiste à vivre de manière jugée correcte  par les samouraïs. Il s’agit en fait de vivre
toujours prêt au combat, même en temps de paix. Le Bushido est inspiré par le Bouddhisme
Zen et par le Shintoïsme.


Le Bouddhisme a inspiré les idéaux de sérénité, d’impassibilité et  par l’acceptation de
l’inévitable. Ainsi le Bushi restait insensible au danger et au malheur, car il ne donnait pas
une plus grande valeur à la vie qu’à la mort. Cela s’explique par le fait que la mort n’est qu’un
passage vers un niveau plus élevé de l’esprit.


Le Zen a inspiré une méthode de libération de l’esprit qui permet d’accepter toutes les idées
reçues de manière à parvenir à une liberté d’esprit parfaite.


Enfin, le Shintoïsme a amené les devoirs de respect envers les ancêtres, de fidélité jusqu’à la
mort, de loyauté et de courage. Il inclut aussi la notion de devoir  envers les ancêtres, le
seigneur et la Famille Impériale. Le culte de la nature engendra au Japon un immense amour
envers le pays. Et le culte des ancêtres, au fil des générations, unit la nation à la Famille
Impériale, qui selon l’histoire japonaise créa cette même nation. Ainsi, l’Empereur est le
représentant humain du ciel sur terre, qui est le royaume de leurs Dieux et des esprits de leurs
ancêtres. Le Shintoïsme apporte en fin de  compte le caractère patriotique et loyal du
samouraï.


Un samouraï doit améliorer



Un samouraï doit améliorer continuellement :
ses talents de combattant et son éducation :
Il se devait de maîtriser les différentes formes de combat connues et exceller au
maniement du katana. Ainsi qu’il se devait d’être instruit dans différents milieux telles
que la morale, l’histoire, la calligraphie, …
vivre simplement :


Un samouraï ne désirait pas avoir d’argent ; car une fois que l’on a de l’argent on en
veut toujours plus et on a peur de le perdre, ce qui fait que l’on s’attache à l’argent et
même à la vie, ce qui est bien le pire,  car le samouraï pourrait laisser échapper une
chance de mourir dignement.



Faire preuve de loyauté :
Il doit pouvoir à tout moment donner sa vie pour son empereur, son daimyo (son maître)
ou pour son honneur personnel. Le samouraï ne connaît pas le confort ou la sécurité, il
doit vivre en se préparant à la mort.


Voici quelques règles du Bushido qui doivent être suivies par tout samouraï, tenant à garder
son honneur propre :


La Rectitude et la Justice :
Le samouraï se devait d’être droit. L’emploi de procédé tortueux et de manigances était
pour lui dégradant, ainsi le courage, s’il n’était pas employé en faveur de la justice,
n’était pas digne d’être vue comme une vertu. Le mensonge et le faux-semblant étaient
considérés comme de la lâcheté.
 
La Bienveillance et la Compassion :
L’amour, la magnanimité, l’affection, la compassion et la pitié sont les vertus suprêmes.
D’après Confucius et Mencius : « La meilleure qualité d’un chef est la bienveillance. ».
Et «  la miséricorde pour le  faible, l’homme à terre, le  vaincu fut toujours considérée
comme la vertu même du samouraï. »


Le Devoir et la Loyauté :
La vie du samouraï n’était considérée que comme un moyen de servir son maître ; cet
idéal était renforcé par le sentiment de l’honneur ! Pendant toute sa vie il va suivre cette
règle.


L’Education et l’Entraînement :
Les disciplines apprises et perfectionnées par les Bushi étaient : l’escrime, le tir à l’arc,
le JuJustu, l’équitation, l’art de la lance, l’art de la stratégie, la calligraphie, la morale, la
littérature et l’histoire.


Les enfants étaient élevés dans le mépris de l’argent car ne pas savoir sa valeur était le
signe de l’éminence.


Le Contrôle de soi :
La force morale, sens scrupuleux de la bienséance qui nous oblige à épargner aux autres
toute démonstration de tristesse ou de souffrance. L’absence de toute manifestation
sentimentale étant permanente, il n’exprimait pas ouvertement  ses sentiments, et
n’embarrasse jamais les autres en le faisant. Un samouraï ne se pardonnerait jamais de
susciter de la pitié chez quelqu’un.

STRATÉGIE LA VOIE DU GUERRIER

ARTICLE I

DE L'ÉVALUATION

Sun Tzu dit: La guerre est d'une importance vitale pour l'État. C'est le domaine de la vie et de la mort: la conservation ou la perte de l'empire en dépendent; il est impérieux de le bien régler. Ne pas faire de sérieuses réflexions sur ce qui le concerne, c'est faire preuve d'une coupable indifférence pour la conservation ou pour la perte de ce qu'on a de plus cher, et c'est ce qu'on ne doit pas trouver parmi nous.


Cinq choses principales doivent faire l'objet de nos continuelles méditations et de tous nos soins, comme le font ces grands artistes qui, lorsqu'ils entreprennent quelque chef-d'œuvre, ont toujours présent à l'esprit le but qu'ils se proposent, mettent à profit tout ce qu'ils voient, tout ce qu'ils entendent, ne négligent rien pour acquérir de nouvelles connaissances et tous les secours qui peuvent les conduire heureusement à leur fin.


Si nous voulons que la gloire et les succès accompagnent nos armes, nous ne devons jamais perdre de vue: la doctrine, le temps, l'espace, lecommandement, la discipline.


La doctrine fait naître l'unité de penser; elle nous inspire une même manière de vivre et de mourir, et nous rend intrépides et inébranlables dans les malheurs et dans la mort.


Si nous connaissons bien le temps, nous n'ignorerons point ces deux grands principes Yin et Yang par lesquels toutes les choses naturelles sont formées et par lesquels les éléments reçoivent leurs différentes modifications; nous saurons le temps de leur union et de leur mutuel concours pour la production du froid, du chaud, de la sérénité ou de l'intempérie de l'air.


L'espace n'est pas moins digne de notre attention que le temps; étudions le bien, et nous aurons la connaissance du haut et du bas, du loin comme du près, du large et de l'étroit, de ce qui demeure et de ce qui ne fait que passer.


J'entends par commandement, l'équité, l'amour pour ceux en particulier qui nous sont soumis et pour tous les hommes en général; la science des ressources, le courage et la valeur, la rigueur, telles sont les qualités qui doivent caractériser celui qui est revêtu de la dignité de général; vertus nécessaires pour l'acquisition desquelles nous ne devons rien négliger: seules elles peuvent nous mettre en état de marcher dignement à la tête des autres.


Aux connaissances dont je viens de parler, il faut ajouter celle de la discipline. Posséder l'art de ranger les troupes; n'ignorer aucune des lois de la subordination et les faire observer à la rigueur; être instruit des devoirs particuliers de chacun de nos subalternes; savoir connaître les différents chemins par où on peut arriver à un même terme; ne pas dédaigner d'entrer dans un détail exact de toutes les choses qui peuvent servir, et se mettre au fait de chacune d'elles en particulier. Tout cela ensemble forme un corps de discipline dont la connaissance pratique ne doit point échapper à la sagacité ni aux attentions d'un général.


Vous donc que le choix du prince a placé à la tête des armées, jetez les fondements de votre science militaire sur les cinq principes que je viens d'établir. La victoire suivra partout vos pas: vous n'éprouverez au contraire que les plus honteuses défaites si, par ignorance ou par présomption, vous venez à les omettre ou à les rejeter.


Les connaissances que je viens d'indiquer vous permettront de discerner, parmi les princes qui gouvernent le monde, celui qui a le plus de doctrine et de vertus; vous connaîtrez les grands généraux qui peuvent se trouver dans les différents royaumes, de sorte que vous pourrez conjecturer assez sûrement quel est celui des deux antagonistes qui doit l'emporter; et si vous devez entrer vous-même en lice, vous pourrez raisonnablement vous flatter de devenir victorieux.


Ces mêmes connaissances vous feront prévoir les moments les plus favorables, le temps et l'espace étant conjugués, pour ordonner le mouvement des troupes et les itinéraires qu'elles devront suivre, et dont vous réglerez à propos toutes les marches. Vous ne commencerez ni ne terminerez jamais la campagne hors de saison. Vous connaîtrez le fort et le faible, tant de ceux qu'on aura confiés à vos soins que des ennemis que vous aurez à combattre. Vous saurez en quelle quantité et dans quel état se trouveront les munitions de guerre et de bouche des deux armées, vous distribuerez les récompenses avec libéralité, mais avec choix, et vous n'épargnerez pas les châtiments quand il en sera besoin.


Admirateurs de vos vertus et de vos capacités, les officiers généraux placés sous votre autorité vous serviront autant par plaisir que par devoir. Ils entreront dans toutes vos vues, et leur exemple entraînera infailliblement celui des subalternes, et les simples soldats concourront eux-mêmes de toutes leurs forces à vous assurer les plus glorieux succès.


Estimé, respecté, chéri des vôtres, les peuples voisins viendront avec joie se ranger sous les étendards du prince que vous servez, ou pour vivre sous ses lois, ou pour obtenir simplement sa protection.


Également instruit de ce que vous pourrez et de ce que vous ne pourrez pas, vous ne formerez aucune entreprise qui ne puisse être menée à bonne fin. Vous verrez, avec la même pénétration, ce qui sera loin de vous comme ce qui se passera sous vos yeux, et ce qui se passera sous vos yeux comme ce qui en est le plus éloigné.
Vous profiterez de la dissension qui surgit chez vos ennemis pour attirer les mécontents dans votre parti en ne leur ménageant ni les promesses, ni les dons, ni les récompenses.


Si vos ennemis sont plus puissants et plus forts que vous, vous ne les attaquerez point, vous éviterez avec un grand soin ce qui peut conduire à un engagement général; vous cacherez toujours avec une extrême attention l'état où vous vous trouverez.


Il y aura des occasions ou vous vous abaisserez, et d'autres où vous affecterez d'avoir peur. Vous feindrez quelquefois d'être faible afin que vos ennemis, ouvrant la porte à la présomption et à l'orgueil, viennent ou vous attaquer mal à propos, ou se laissent surprendre eux-mêmes et tailler en pièces honteusement. Vous ferez en sorte que ceux qui vous sont inférieurs ne puissent jamais pénétrer vos desseins. Vous tiendrez vos troupes toujours alertes, toujours en mouvement et dans l'occupation, pour empêcher qu'elles ne se laissent amollir par un honteux repos.


Si vous prêtez quelque intérêt aux avantages de mes plans, faites en sorte de créer des situations qui contribuent à leur accomplissement.


J'entends par situation que le général agisse à bon escient, en harmonie avec ce qui est avantageux, et, par là-même, dispose de la maîtrise de l'équilibre.
Toute campagne guerrière doit être réglée sur le semblant; feignez le désordre, ne manquez jamais d'offrir un appât à l'ennemi pour le leurrer, simulez l'infériorité pour encourager son arrogance, sachez attiser son courroux pour mieux le plonger dans la confusion: sa convoitise le lancera sur vous pour s'y briser.
Hâtez vos préparatifs lorsque vos adversaires se concentrent; là où ils sont puissants, évitez-les.


Plongez l'adversaire dans d'inextricables épreuves et prolongez son épuisement en vous tenant à distance; veillez à fortifier vos alliances au-dehors, et à affermir vos positions au-dedans par une politique de soldats-paysans.


Quel regret que de tout risquer en un seul combat, en négligeant la stratégie victorieuse, et faire dépendre le sort de vos armes d'une unique bataille!
Lorsque l'ennemi est uni, divisez-le; et attaquez là où il n'est point préparé, en surgissant lorsqu'il ne vous attend point. Telles sont les clefs stratégiques de la victoire, mais prenez garde de ne point les engager par avance.


Que chacun se représente les évaluations faites dans le temple, avant les hostilités, comme des mesures: elles disent la victoire lorsqu'elles démontrent que votre force est supérieure à celle de l'ennemi; elles indiquent la défaite lorsqu'elles démontrent qu'il est inférieur en force.


Considérez qu'avec de nombreux calculs on peut remporter la victoire, redoutez leur insuffisance. Combien celui qui n'en fait point a peu de chances de gagner!
C'est grâce à cette méthode que j'examine la situation, et l'issue apparaîtra clairement.

DE L'ENGAGEMENT

Sun Tzu dit: Je suppose que vous commencez la campagne avec une armée de cent mille hommes, que vous êtes suffisamment pourvu des munitions de guerre et de bouche, que vous avez deux mille chariots, dont mille sont pour la course, et les autres uniquement pour le transport; que jusqu'à cent lieues de vous, il y aura partout des vivres pour l'entretien de votre armée; que vous faites transporter avec soin tout ce qui peut servir au raccommodage des armes et des chariots; que les artisans et les autres qui ne sont pas du corps des soldats vous ont déjà précédé ou marchent séparément à votre suite; que toutes les choses qui servent pour des usages étrangers, comme celles qui sont purement pour la guerre, sont toujours à couvert des injures de l'air et à l'abri des accidents fâcheux qui peuvent arriver.
Je suppose encore que vous avez mille onces d'argent à distribuer aux troupes chaque jour, et que leur solde est toujours payée à temps avec la plus rigoureuse exactitude. Dans ce cas, vous pouvez aller droit à l'ennemi. L'attaquer et le vaincre seront pour vous une même chose.


Je dis plus: ne différez pas de livrer le combat, n'attendez pas que vos armes contractent la rouille, ni que le tranchant de vos épées s'émousse. La victoire est le principal objectif de la guerre.


S'il s'agit de prendre une ville, hâtez-vous d'en faire le siège; ne pensez qu'à cela, dirigez là toutes vos forces; il faut ici tout brusquer; si vous y manquez, vos troupes courent le risque de tenir longtemps la campagne, ce qui sera une source de funestes malheurs.


Les coffres du prince que vous servez s'épuiseront, vos armes perdues par la rouille ne pourront plus vous servir, l'ardeur de vos soldats se ralentira, leur courage et leurs forces s'évanouiront, les provisions se consumeront, et peut-être même vous trouverez-vous réduit aux plus fâcheuses extrémités.


Instruits du pitoyable état où vous serez alors, vos ennemis sortiront tout frais, fondront sur vous, et vous tailleront en pièces. Quoique jusqu'à ce jour vous ayez joui d'une grande réputation, désormais vous aurez perdu la face. En vain dans d'autres occasions aurez-vous donné des marques éclatantes de votre valeur, toute la gloire que vous aurez acquise sera effacée par ce dernier trait.
Je le répète: On ne saurait tenir les troupes longtemps en campagne, sans porter un très grand préjudice à l'État et sans donner une atteinte mortelle à sa propre réputation.


Ceux qui possèdent les vrais principes de l'art militaire ne s'y prennent pas à deux fois. Dès la première campagne, tout est fini; ils ne consomment pas pendant trois années de suite des vivres inutilement. Ils trouvent le moyen de faire subsister leurs armées au dépens de l'ennemi, et épargnent à l'État les frais immenses qu'il est obligé de faire, lorsqu'il faut transporter bien loin toutes les provisions.


Ils n'ignorent point, et vous devez le savoir aussi, que rien n'épuise tant un royaume que les dépenses de cette nature; car que l'armée soit aux frontières, ou qu'elle soit dans les pays éloignés, le peuple en souffre toujours; toutes les choses nécessaires à la vie augmentent de prix, elles deviennent rares, et ceux même qui, dans les temps ordinaires, sont le plus à leur aise n'ont bientôt plus de quoi les acheter.


Le prince perçoit en hâte le tribut des denrées que chaque famille lui doit; et la misère se répandant du sein des villes jusque dans les campagnes, des dix parties du nécessaire on est obligé d'en retrancher sept. Il n'est pas jusqu'au souverain qui ne ressente sa part des malheurs communs. Ses cuirasses, ses casques, ses flèches, ses arcs, ses boucliers, ses chars, ses lances, ses javelots, tout cela se détruira. Les chevaux, les bœufs même qui labourent les terres du domaine dépériront, et, des dix parties de sa dépense ordinaire, se verra contraint d'en retrancher six.


C'est pour prévenir tous ces désastres qu'un habile général n'oublie rien pour abréger les campagnes, et pour pouvoir vivre aux dépens de l'ennemi, ou tout au moins pour consommer les denrées étrangères, à prix d'argent, s'il le faut.


Si l'armée ennemie a une mesure de grain dans son camp, ayez-en vingt dans le vôtre; si votre ennemi a cent vingt livres de fourrage pour ses chevaux, ayez-en deux mille quatre cents pour les vôtres. Ne laissez échapper aucune occasion de l'incommoder, faites-le périr en détail, trouvez les moyens de l'irriter pour le faire tomber dans quelque piège; diminuez ses forces le plus que vous pourrez, en lui faisant faire des diversions, en lui tuant de temps en temps quelque parti, en lui enlevant de ses convois, de ses équipages, et d'autres choses qui pourront vous être de quelque utilité.


Lorsque vos gens auront pris sur l'ennemi au-delà de dix chars, commencez par récompenser libéralement tant ceux qui auront conduit l'entreprise que ceux qui l'auront exécutée. Employez ces chars aux mêmes usages que vous employez les vôtres, mais auparavant ôtez-en les marques distinctives qui pourront s'y trouver.
Traitez bien les prisonniers, nourrissez-les comme vos propres soldats; faites en sorte, s'il se peut, qu'ils se trouvent mieux chez vous qu'ils ne le seraient dans leur propre camp, ou dans le sein même de leur patrie. Ne les laissez jamais oisifs, tirez parti de leurs services avec les défiances convenables, et, pour le dire en deux mots, conduisez-vous à leur égard comme s'ils étaient des troupes qui se fussent enrôlées librement sous vos étendards. Voilà ce que j'appelle gagner une bataille et devenir plus fort.


Si vous faites exactement ce que je viens de vous indiquer, les succès accompagneront tous vos pas, partout vous serez vainqueur, vous ménagerez la vie de vos soldats, vous affermirez votre pays dans ses anciennes possessions, vous lui en procurerez de nouvelles, vous augmenterez la splendeur et la gloire de l'État, et le prince ainsi que les sujets vous seront redevables de la douce tranquillité dans laquelle ils couleront désormais leurs jours.


L'essentiel est dans la victoire et non dans les opérations prolongées.
Le général qui s'entend dans l'art de la guerre est le ministre du destin du peuple et l'arbitre de la destinée de la victoire.

Quels objets peuvent être plus dignes de votre attention et de tous vos efforts!


DES PROPOSITIONS DE LA VICTOIRE ET DE LA DÉFAITE

Sun Tzu dit: Voici quelques maximes dont vous devez être pénétré avant que de vouloir forcer des villes ou gagner des batailles.


Conserver les possessions et tous les droits du prince que vous servez, voilà quel doit être le premier de vos soins; les agrandir en empiétant sur les ennemis, c'est ce que vous ne devez faire que lorsque vous y serez forcé.


Veiller au repos des villes de votre propre pays, voilà ce qui doit principalement vous occuper; troubler celui des villes ennemies, ce ne doit être que votre pis-aller.


Mettre à couvert de toute insulte les villages amis, voilà ce à quoi vous devez penser; faire des irruptions dans les villages ennemis, c'est ce à quoi la nécessité seule doit vous engager.


Empêcher que les hameaux et les chaumières des paysans ne souffrent le plus petit dommage, c'est ce qui mérite également votre attention; porter le ravage et dévaster les installations agricoles de vos ennemis, c'est ce qu'une disette de tout doit seule vous faire entreprendre.


Conserver les possessions des ennemis est ce que vous devez faire en premier lieu, comme ce qu'il y a de plus parfait; les détruire doit être l'effet de la nécessité. Si un général agit ainsi, sa conduite ne différera pas de celle des plus vertueux personnages; elle s'accordera avec le Ciel et la Terre, dont les opérations tendent à la production et à la conservation des choses plutôt qu'à leur destruction.
Ces maximes une fois bien gravées dans votre cœur, je suis garant du succès.
Je dis plus: la meilleure politique guerrière est de prendre un État intact; une politique inférieure à celle-ci consisterait à le ruiner.


Il vaut mieux que l'armée de l'ennemi soit faite prisonnière plutôt que détruite; il importe davantage de prendre un bataillon intact que de l'anéantir.


Eussiez-vous cent combats à livrer, cent victoires en seraient le fruit.


Cependant ne cherchez pas à dompter vos ennemis au prix des combats et des victoires; car, s'il y a des cas où ce qui est au-dessus du bon n'est pas bon lui-même, c'en est ici un où plus on s'élève au-dessus du bon, plus on s'approche du pernicieux et du mauvais.


Il faut plutôt subjuguer l'ennemi sans donner bataille: ce sera là le cas où plus vous vous élèverez au-dessus du bon, plus vous approcherez de l'incomparable et de l'excellent.


Les grands généraux en viennent à bout en découvrant tous les artifices de l'ennemi, en faisant avorter tous ses projets, en semant la discorde parmi ses partisans, en les tenant toujours en haleine, en empêchant les secours étrangers qu'il pourrait recevoir, et en lui ôtant toutes les facilités qu'il pourrait avoir de se déterminer à quelque chose d'avantageux pour lui.


Sun Tzu dit: Il est d'une importance suprême dans la guerre d'attaquer la stratégie de l'ennemi.


Celui qui excelle à résoudre les difficultés le fait avant qu'elles ne surviennent.


Celui qui arrache le trophée avant que les craintes de son ennemi ne prennent forme excelle dans la conquête.


Attaquez le plan de l'adversaire au moment où il naît.


Puis rompez ses alliances.
Puis attaquez son armée.


La pire des politiques consiste à attaquer les cités.
N'y consentez que si aucune autre solution ne peut être mise à exécution.
Il faut au moins trois mois pour préparer les chariots parés pour le combat, les armes nécessaires et l'équipement, et encore trois mois pour construire des talus le long des murs.


Si vous êtes contraint de faire le siège d'une place et de la réduire, disposez de telle sorte vos chars, vos boucliers et toutes les machines nécessaires pour monter à l'assaut, que tout soit en bon état lorsqu'il sera temps de l'employer.
Faites en sorte surtout que la reddition de la place ne soit pas prolongée au-delà de trois mois. Si, ce terme expiré, vous n'êtes pas encore venu à bout de vos fins, sûrement il y aura eu quelques fautes de votre part; n'oubliez rien pour les réparer. A la tête de vos troupes, redoublez vos efforts; en allant à l'assaut, imitez la vigilance, l'activité, l'ardeur et l'opiniâtreté des fourmis.


Je suppose que vous aurez fait auparavant les retranchements et les autres ouvrages nécessaires, que vous aurez élevé des redoutes pour découvrir ce qui se passe chez les assiégés, et que vous aurez paré à tous les inconvénients que votre prudence vous aura fait prévoir. Si, avec toutes ces précautions, il arrive que de trois parties de vos soldats vous ayez le malheur d'en perdre une, sans pouvoir être victorieux, soyez convaincu que vous n'avez pas bien attaqué.


Un habile général ne se trouve jamais réduit à de telles extrémités; sans donner des batailles, il sait l'art d'humilier ses ennemis; sans répandre une goutte de sang, sans tirer même l'épée, il vient à bout de prendre les villes; sans mettre les pieds dans les royaumes étrangers, il trouve le moyen de les conquérir sans opérations prolongées; et sans perdre un temps considérable à la tête de ses troupes, il procure une gloire immortelle au prince qu'il sert, il assure le bonheur de ses compatriotes, et fait que l'Univers lui est redevable du repos et de la paix: tel est le but auquel tous ceux qui commandent les armées doivent tendre sans cesse et sans jamais se décourager.


Votre but demeure de vous saisir de l'empire alors qu'il est intact; ainsi vos troupes ne seront pas épuisées et vos gains seront complets. Tel est l'art de la stratégie victorieuse.


Il y a une infinité de situations différentes dans lesquelles vous pouvez vous trouver par rapport à l'ennemi. On ne saurait les prévoir toutes; c'est pourquoi je n'entre pas dans un plus grand détail. Vos lumières et votre expérience vous suggéreront ce que vous aurez à faire, à mesure que les circonstances se présenteront. Néanmoins, je vais vous donner quelques conseils généraux dont vous pourrez faire usage à l'occasion.


Si vous êtes dix fois plus fort en nombre que ne l'est l'ennemi, environnez-le de toutes parts; ne lui laissez aucun passage libre; faites en sorte qu'il ne puisse ni s'évader pour aller camper ailleurs, ni recevoir le moindre secours.


Si vous avez cinq fois plus de monde que lui, disposez tellement votre armée qu'elle puisse l'attaquer par quatre côtés à la fois, lorsqu'il en sera temps.
Si l'ennemi est une fois moins fort que vous, contentez-vous de partager votre armée en deux.


Mais si de part et d'autre il y a une même quantité de monde, tout ce que vous pouvez faire c'est de hasarder le combat.


Si, au contraire, vous êtes moins fort que lui, soyez continuellement sur vos gardes, la plus petite faute serait de la dernière conséquence pour vous. Tâchez de vous mettre à l'abri, et évitez autant que vous le pourrez d'en venir aux mains avec lui; la prudence et la fermeté d'un petit nombre de gens peuvent venir à bout de lasser et de dompter même une nombreuse armée. Ainsi vous êtes à la fois capable de vous protéger et de remporter une victoire complète.


Celui qui est à la tête des armées peut se regarder comme le soutien de l'État, et il l'est en effet. S'il est tel qu'il doit être, le royaume sera dans la prospérité; si au contraire il n'a pas les qualités nécessaires pour remplir dignement le poste qu'il occupe, le royaume en souffrira infailliblement et se trouvera peut-être réduit à deux doigts de sa perte.


Un général ne peut bien servir l'État que d'une façon, mais il peut lui porter un très grand préjudice de bien des manières différentes.


Il faut beaucoup d'efforts et une conduite que la bravoure et la prudence accompagnent constamment pour pouvoir réussir: il ne faut qu'une faute pour tout perdre; et, parmi les fautes qu'il peut faire, de combien de sortes n'y en a-t-il pas? S'il lève des troupes hors de saison, s'il les fait sortir lorsqu'il ne faut pas qu'elles sortent, s'il n'a pas une connaissance exacte des lieux où il doit les conduire, s'il leur fait faire des campements désavantageux, s'il les fatigue hors de propos, s'il les fait revenir sans nécessité, s'il ignore les besoins de ceux qui composent son armée, s'il ne sait pas le genre d'occupation auquel chacun d'eux s'exerçait auparavant, afin d'en tirer parti suivant leurs talents; s'il ne connaît pas le fort et le faible de ses gens, s'il n'a pas lieu de compter sur leur fidélité, s'il ne fait pas observer la discipline dans toute la rigueur, s'il manque du talent de bien gouverner, s'il est irrésolu et s'il chancelle dans les occasions où il faut prendre tout à coup son parti, s'il ne fait pas dédommager à propos ses soldats lorsqu'ils auront eu à souffrir, s'il permet qu'ils soient vexés sans raison par leurs officiers, s'il ne sait pas empêcher les dissensions qui pourraient naître parmi les chefs; un général qui tomberait dans ces fautes rendrait l'armée boiteuse et épuiserait d'hommes et de vivres le royaume, et deviendrait lui-même la honteuse victime de son incapacité.


Sun Tzu dit: Dans le gouvernement des armées il y a sept maux:
I. Imposer des ordres pris en Cour selon le bon plaisir du prince.
II. Rendre les officiers perplexes en dépêchant des émissaires ignorant les affaires militaires.
III. Mêler les règlements propres à l'ordre civil et à l'ordre militaire.
IV. Confondre la rigueur nécessaire au gouvernement de l'État, et la flexibilité que requiert le commandement des troupes.
V. Partager la responsabilité aux armées.
VI. Faire naître la suspicion, qui engendre le trouble: une armée confuse conduit à la victoire de l'autre.
VII. Attendre les ordres en toute circonstance, c'est comme informer un supérieur que vous voulez éteindre le feu: avant que l'ordre ne vous parvienne, les cendres sont déjà froides; pourtant il est dit dans le code que l'on doit en référer à l'inspecteur en ces matières! Comme si, en bâtissant une maison sur le bord de la route, on prenait conseil de ceux qui passent; le travail ne serait pas encore achevé!

Tel est mon enseignement:
Nommer appartient au domaine réservé au souverain, décider de la bataille à celui du général.


Un prince de caractère doit choisir l'homme qui convient, le revêtir de responsabilités et attendre les résultats.

Pour être victorieux de ses ennemis, cinq circonstances sont nécessaires:
I. Savoir quand il est à propos de combattre, et quand il convient de se retirer.
II. Savoir employer le peu et le beaucoup suivant les circonstances.
III. Assortir habilement ses rangs.
Mensius dit: "La saison appropriée n'est pas aussi importante que les avantages du sol; et tout cela n'est pas aussi important que l'harmonie des relations humaines."
IV. Celui qui, prudent, se prépare à affronter l'ennemi qui n'est pas encore; celui-là même sera victorieux. Tirer prétexte de sa rusticité et ne pas prévoir est le plus grand des crimes; être prêt en-dehors de toute contingence est la plus grande des vertus.
V. Être à l'abri des ingérences du souverain dans tout ce qu'on peut tenter pour son service et la gloire de ses armes.

C'est dans ces cinq matières que se trouve la voie de la victoire.

Connais ton ennemi et connais-toi toi-même; eussiez-vous cent guerres à soutenir, cent fois vous serez victorieux.
Si tu ignores ton ennemi et que tu te connais toi-même, tes chances de perdre et de gagner seront égales.
Si tu ignores à la fois ton ennemi et toi-même, tu ne compteras tes combats que par tes défaites.


DE LA MESURE DANS LA DISPOSITION DES MOYENS


Sun Tzu dit: Anciennement ceux qui étaient expérimentés dans l'art des combats se rendaient invincibles, attendaient que l'ennemi soit vulnérable et ne s'engageaient jamais dans des guerres qu'ils prévoyaient ne devoir pas finir avec avantage.


Avant que de les entreprendre, ils étaient comme sûrs du succès. Si l'occasion d'aller contre l'ennemi n'était pas favorable, ils attendaient des temps plus heureux.
Ils avaient pour principe que l'on ne pouvait être vaincu que par sa propre faute, et qu'on n'était jamais victorieux que par la faute des ennemis.
Se rendre invincible dépend de soi, rendre à coup sûr l'ennemi vulnérable dépend de lui-même.


Être instruit des moyens qui assurent la victoire n'est pas encore la remporter.
Ainsi, les habiles généraux savaient d'abord ce qu'ils devaient craindre ou ce qu'ils avaient à espérer, et ils avançaient ou reculaient la campagne, ils donnaient bataille ou ils se retranchaient, suivant les lumières qu'ils avaient, tant sur l'état de leurs propres troupes que sur celui des troupes de l'ennemi. S'ils se croyaient plus forts, ils ne craignaient pas d'aller au combat et d'attaquer les premiers. S'ils voyaient au contraire qu'ils fussent plus faibles, ils se retranchaient et se tenaient sur la défensive.


L'invincibilité se trouve dans la défense, la possibilité de victoire dans l'attaque.
Celui qui se défend montre que sa force est inadéquate, celui qui attaque qu'elle est abondante.
L'art de se tenir à propos sur la défensive ne le cède point à celui de combattre avec succès.


Les experts dans la défense doivent s'enfoncer jusqu'au centre de la Terre. Ceux, au contraire, qui veulent briller dans l'attaque doivent s'élever jusqu'au neuvième ciel. Pour se mettre en défense contre l'ennemi, il faut être caché dans le sein de la Terre, comme ces veines d'eau dont on ne sait pas la source, et dont on ne saurait trouver les sentiers. C'est ainsi que vous cacherez toutes vos démarches, et que vous serez impénétrable. Ceux qui combattent doivent s'élever jusqu'au neuvième ciel; c'est-à-dire, il faut qu'ils combattent de telle sorte que l'Univers entier retentisse du bruit de leur gloire.


Sa propre conservation est le but principal qu'on doit se proposer dans ces deux cas. Savoir l'art de vaincre comme ceux qui ont fourni cette même carrière avec honneur, c'est précisément où vous devez tendre; vouloir l'emporter sur tous, et chercher à raffiner dans les choses militaires, c'est risquer de ne pas égaler les grands maîtres, c'est s'exposer même à rester infiniment au-dessous d'eux, car c'est ici où ce qui est au-dessus du bon n'est pas bon lui-même.


Remporter des victoires par le moyen des combats a été regardé de tous temps par l'Univers entier comme quelque chose de bon, mais j'ose vous le dire, c'est encore ici où ce qui est au-dessus du bon est souvent pire que le mauvais. Prédire une victoire que l'homme ordinaire peut prévoir, et être appelé universellement expert, n'est pas le faîte de l'habileté guerrière. Car soulever le duvet des lapins en automne ne demande pas grande force; il ne faut pas avoir les yeux bien pénétrants pour découvrir le soleil et la lune; il ne faut pas avoir l'oreille bien délicate pour entendre le tonnerre lorsqu'il gronde avec fracas; rien de plus naturel, rien de plus aisé, rien de plus simple que tout cela.


Les habiles guerriers ne trouvent pas plus de difficultés dans les combats; ils font en sorte de remporter la bataille après avoir créé les conditions appropriées. 
Ils ont tout prévu; ils ont paré de leur part à toutes les éventualités. Ils savent la situation des ennemis, ils connaissent leurs forces, et n'ignorent point ce qu'ils peuvent faire et jusqu'où ils peuvent aller; la victoire est une suite naturelle de leur savoir.


Aussi les victoires remportées par un maître dans l'art de la guerre ne lui rapportaient ni la réputation de sage, ni le mérite d'homme de valeur.
Qu'une victoire soit obtenue avant que la situation ne se soit cristallisée, voilà ce que le commun ne comprend pas.


C'est pourquoi l'auteur de la prise n'est pas revêtu de quelque réputation de sagacité. Avant que la lame de son glaive ne soit recouverte de sang, l'État ennemi s'est déjà soumis. Si vous subjuguez votre ennemi sans livrer combat, ne vous estimez pas homme de valeur.


Tels étaient nos Anciens: rien ne leur était plus aisé que de vaincre; aussi ne croyaient-ils pas que les vains titres de vaillants, de héros, d'invincibles fussent un tribut d'éloges qu'ils eussent mérité. Ils n'attribuaient leur succès qu'au soin extrême qu'ils avaient eu d'éviter jusqu'à la plus petite faute.


Éviter jusqu'à la plus petite faute veut dire que, quoiqu'il fasse, il s'assure la victoire; il conquiert un ennemi qui a déjà subi la défaite; dans les plans jamais un déplacement inutile, dans la stratégie jamais un pas de fait en vain. Le commandant habile prend une position telle qu'il ne peut subir une défaite; il ne manque aucune circonstance propre à lui garantir la maîtrise de son ennemi.
Une armée victorieuse remporte l'avantage, avant d'avoir cherché la bataille; une armée vouée à la défaite combat dans l'espoir de gagner.


Ceux qui sont zélés dans l'art de la guerre cultivent le Tao et préservent les régulations; ils sont donc capables de formuler des politiques de victoire.


Avant que d'en venir au combat, ils tâchaient d'humilier leurs ennemis, ils les mortifiaient, ils les fatiguaient de mille manières. Leurs propres camps étaient des lieux toujours à l'abri de toute insulte, des lieux toujours à couvert de toute surprise, des lieux toujours impénétrables. Ces généraux croyaient que, pour vaincre, il fallait que les troupes demandassent le combat avec ardeur; et ils étaient persuadés que, lorsque ces mêmes troupes demandaient la victoire avec empressement, il arrivait ordinairement qu'elles étaient vaincues.


Ils ne veulent point dans les troupes une confiance trop aveugle, une confiance qui dégénère en présomption. Les troupes qui demandent la victoire sont des troupes ou amollies par la paresse, ou timides, ou présomptueuses. Des troupes au contraire qui, sans penser à la victoire, demandent le combat, sont des troupes endurcies au travail, des troupes vraiment aguerries, des troupes toujours sûres de vaincre.

C'est ainsi que d'un ton assuré ils osaient prévoir les triomphes ou les défaites, avant même que d'avoir fait un pas pour s'assurer des uns ou pour se préserver des autres.
Maintenant, voici les cinq éléments de l'art de la guerre:
I. La mesure de l'espace.
II. L'estimation des quantités.
III. Les règles de calcul.
IV. Les comparaisons.
V. Les chances de victoire.

Les mesures de l'espace sont dérivées du terrain;
les quantités dérivent de la mesure;
les chiffres émanent des quantités;
les comparaisons découlent des chiffres;
et la victoire est le fruit des comparaisons.
C'est par la disposition des forces qu'un général victorieux est capable de mener son peuple au combat, telles les eaux contenues qui, soudain relâchées, plongent dans un abîme sans fond.


Vous donc, qui êtes à la tête des armées, n'oubliez rien pour vous rendre digne de l'emploi que vous exercez. Jetez les yeux sur les mesures qui contiennent les quantités, et sur celles qui déterminent les dimensions: rappelez-vous les règles de calcul; considérez les effets de la balance; la victoire n'est que le fruit d'une supputation exacte.


Les considérations sur les différentes mesures vous conduiront à la connaissance de ce que la terre peut offrir d'utile pour vous; vous saurez ce qu'elle produit, et vous profiterez toujours de ses dons; vous n'ignorerez point les différentes routes qu'il faudra tenir pour arriver sûrement au terme que vous vous serez proposé.
Par le calcul, estimez si l'ennemi peut être attaqué, et c'est seulement après cela que la population doit être mobilisée et les troupes levées; apprenez à distribuer toujours à propos les munitions de guerre et de bouche, à ne jamais donner dans les excès du trop ou du trop peu.


Enfin, si vous rappelez dans votre esprit les victoires qui ont été remportées en différents temps, et toutes les circonstances qui les ont accompagnées, vous n'ignorerez point les différents usages qu'on en aura faits, et vous saurez quels sont les avantages qu'elles auront procurés, ou quels sont les préjudices qu'elles auront portés aux vainqueurs eux-mêmes.


Un Y surpasse un Tchou. Dans les plateaux d'une balance, le Y emporte le Tchou. Soyez à vos ennemis ce que le Y est au Tchou. (Si Y pèse environ 700 grammes, Tchou ne pèse même pas un gramme)


Après un premier avantage, n'allez pas vous endormir ou vouloir donner à vos troupes un repos hors de saison. Poussez votre pointe avec la même rapidité qu'un torrent qui se précipiterait de mille toises de haut. Que votre ennemi n'ait pas le temps de se reconnaître, et ne pensez à recueillir les fruits de votre victoire que lorsque sa défaite entière vous aura mis en état de le faire sûrement, avec loisir et tranquillité.


DE LA CONTENANCE


Sun Tzu dit: Généralement, le commandement du grand nombre est le même que pour le petit nombre, ce n'est qu'une question d'organisation. Contrôler le grand et le petit nombre n'est qu'une seule et même chose, ce n'est qu'une question de formation et de transmission des signaux.


Ayez les noms de tous les officiers tant généraux que subalternes; inscrivez-les dans un catalogue à part, avec la note des talents et de la capacité de chacun d'eux, afin de pouvoir les employer avec avantage lorsque l'occasion en sera venue. Faites en sorte que tous ceux que vous devez commander soient persuadés que votre principale attention est de les préserver de tout dommage. 
Les troupes que vous ferez avancer contre l'ennemi doivent être comme des pierres que vous lanceriez contre des oeufs. De vous à l'ennemi, il ne doit y avoir d'autre différence que celle du fort au faible, du vide au plein.


La certitude de subir l'attaque de l'ennemi sans subir une défaite est fonction de la combinaison entre l'utilisation directe et indirecte des forces. (Directe: fixer et distraire. Indirecte: rompre là où le coup n'est pas anticipé)
Usez généralement des forces directes pour engager la bataille, et des forces indirectes pour emporter la décision. Les ressources de ceux qui sont habiles dans l'utilisation des forces indirectes sont aussi infinies que celles des Cieux et de la Terre, et aussi inépuisables que le cours des grandes rivières.


Attaquez à découvert, mais soyez vainqueur en secret. Voilà en peu de mots en quoi consiste l'habileté et toute la perfection même du gouvernement des troupes. Le grand jour et les ténèbres, l'apparent et le secret; voilà tout l'art. Ceux qui le possèdent sont comparables au Ciel et à la Terre, dont les mouvements ne sont jamais sans effet: ils ressemblent aux fleuves et aux mers dont les eaux ne sauraient tarir. Fussent-ils plongés dans les ténèbres de la mort, ils peuvent revenir à la vie; comme le soleil et la lune, ils ont le temps où il faut se montrer, et celui où il faut disparaître; comme les quatre saisons, ils ont les variétés qui leur conviennent; comme les cinq tons de la musique, comme les cinq couleurs, comme les cinq goûts, ils peuvent aller à l'infini. Car qui a jamais entendu tous les airs qui peuvent résulter de la différente combinaison des tons? Qui a jamais vu tout ce que peuvent présenter les couleurs différemment nuancées? Qui a jamais savouré tout ce que les goûts différemment tempérés peuvent offrir d'agréable ou de piquant? On n'assigne cependant que cinq couleurs et cinq sortes de goût.
Dans l'art militaire, et dans le bon gouvernement des troupes, il n'y a certes que deux sortes de forces; leurs combinaisons étant sans limites, personne ne peut toutes les comprendre. Ces forces sont mutuellement productives et agissent entre elles. Ce serait dans la pratique une chaîne d'opérations dont on ne saurait voir le bout, tels ces anneaux multiples et entremêlés qu'il faut assembler pour former un annulaire, c'est comme une roue en mouvement qui n'a ni commencement ni fin.


Dans l'art militaire, chaque opération particulière a des parties qui demandent le grand jour, et des parties qui veulent les ténèbres du secret. Vouloir les assigner, cela ne se peut; les circonstances peuvent seules les faire connaître et les déterminer. On oppose les plus grands quartiers de rochers à des eaux rapides dont on veut resserrer le lit: on n'emploie que des filets faibles  et déliés pour prendre les petits oiseaux. Cependant, le fleuve rompt quelquefois ses digues après les avoir minées peu à peu, et les oiseaux viennent à bout de briser les chaînes qui les retiennent, à force de se débattre.


C'est par son élan que l'eau des torrents se heurte contre les rochers; c'est sur la mesure de la distance que se règle le faucon pour briser le corps de sa proie.
Ceux-là possèdent véritablement l'art de bien gouverner les troupes, qui ont su et qui savent rendre leur puissance formidable, qui ont acquis une autorité sans borne, qui ne se laissent abattre par aucun évènement, quelque fâcheux qu'il puisse être; qui ne font rien avec précipitation; qui se conduisent, lors même qu'ils sont surpris, avec le sang-froid qu'ils ont ordinairement dans les actions méditées et dans les cas prévus longtemps auparavant, et qui agissent toujours dans tout ce qu'ils font avec cette promptitude qui n'est guère que le fruit de l'habileté, jointe à une longue expérience. Ainsi l'élan de celui qui est habile dans l'art de la guerre est irrésistible, et son attaque est réglée avec précision.


Le potentiel de ces sortes de guerriers est comme celui de ces grands arcs totalement bandés, tout plie sous leurs coups, tout est renversé. Tels qu'un globe qui présente une égalité parfaite entre tous les points de sa surface, ils sont également forts partout; partout leur résistance est la même. Dans le fort de la mêlée et d'un désordre apparent, ils savent garder un ordre que rien ne saurait interrompre, ils font naître la force du sein même de la faiblesse, ils font sortir le courage et la valeur du milieu de la poltronnerie et de la pusillanimité.
Mais savoir garder un ordre merveilleux au milieu même du désordre, cela ne se peut sans avoir fait auparavant de profondes réflexions sur tous les évènements qui peuvent arriver.


Faire naître la force du sein même de la faiblesse, cela n'appartient qu'à ceux qui ont une puissance absolue et une autorité sans bornes (par le mot de puissance il ne faut pas entendre ici domination, mais cette faculté qui fait qu'on peut réduire en acte tout ce qu'on se propose). Savoir faire sortir le courage et la valeur du milieu de la poltronnerie et de la pusillanimité, c'est être héros soi-même, c'est être plus que héros, c'est être au-dessus des plus intrépides.


Un commandant habile recherche la victoire dans la situation et ne l'exige pas de ses subordonnés.


Quelque grand, quelque merveilleux que tout cela paraisse, j'exige cependant quelque chose de plus encore de ceux qui gouvernent les troupes: c'est l'art de faire mouvoir à son gré les ennemis. Ceux qui le possèdent, cet art admirable, disposent de la contenance de leurs gens et de l'armée qu'ils commandent, de telle sorte qu'ils font venir l'ennemi toutes les fois qu'ils le jugent à propos; ils savent faire des libéralités quand il convient, ils en font même à ceux qu'ils veulent vaincre: ils donnent à l'ennemi et l'ennemi reçoit, ils lui abandonnent et il vient prendre. Ils sont prêts à tout; ils profitent de toutes les circonstances; toujours méfiants ils font surveiller les subordonnés qu'ils emploient et, se méfiant d'eux-mêmes, ils ne négligent aucun moyen qui puisse leur être utile.


Ils regardent les hommes, contre lesquels ils doivent combattre, comme des pierres ou des pièces de bois qu'ils seraient chargés de faire rouler de haut en bas.


La pierre et le bois n'ont aucun mouvement de leur nature; s'ils sont une fois en repos, ils n'en sortent pas d'eux-mêmes, mais ils suivent le mouvement qu'on leur imprime; s'ils sont carrés, ils s'arrêtent d'abord; s'ils sont ronds, ils roulent jusqu'à ce qu'ils trouvent une résistance plus forte que la force qui leur était imprimée.
Faites en sorte que l'ennemi soit entre vos mains comme une pierre de figure ronde, que vous auriez à faire rouler d'une montagne qui aurait mille toises de haut: la force qui lui est imprimée est minime, les résultats sont énormes. C'est en cela qu'on reconnaîtra que vous avez de la puissance et de l'autorité.


DU PLEIN ET DU VIDE


Sun Tzu dit: Une des choses les plus essentielles que vous ayez à faire avant le combat, c'est de bien choisir le lieu de votre campement. Pour cela il faut user de diligence, il ne faut pas se laisser prévenir par l'ennemi, il faut être campé avant qu'il ait eu le temps de vous reconnaître, avant même qu'il ait pu être instruit de votre marche. La moindre négligence en ce genre peut être pour vous de la dernière conséquence. En général, il n'y a que du désavantage à camper après les autres.


Celui qui est capable de faire venir l'ennemi de sa propre initiative le fait en lui offrant quelque avantage; et celui qui est désireux de l'en empêcher le fait en le blessant.


Celui qui est chargé de la conduite d'une armée, ne doit point se fier à d'autres pour un choix de cette importance; il doit faire quelque chose de plus encore. S'il est véritablement habile, il pourra disposer à son gré du campement même et de toutes les marches de son ennemi. Un grand général n'attend pas qu'on le fasse aller, il sait faire venir. Si vous faites en sorte que l'ennemi cherche à se rendre de son plein gré dans les lieux où vous souhaitez précisément qu'il aille, faites en sorte aussi de lui aplanir toutes les difficultés et de lever tous les obstacles qu'il pourrait rencontrer; de crainte qu'alarmé par les impossibilités qu'il suppute, où les inconvénients trop manifestes qu'il découvre, il renonce à son dessein. Vous en serez pour votre travail et pour vos peines, peut-être même pour quelque chose de plus.


La grande science est de lui faire vouloir tout ce que vous voulez qu'il fasse, et de lui fournir, sans qu'il s'en aperçoive, tous les moyens de vous seconder.
Après que vous aurez ainsi disposé du lieu de votre campement et de celui de l'ennemi lui-même, attendez tranquillement que votre adversaire fasse les premières démarches; mais en attendant, tâchez de l'affamer au milieu de l'abondance, de lui procurer du tracas dans le sein du repos, et de lui susciter mille terreurs dans le temps même de sa plus grande sécurité.


Si, après avoir longtemps attendu, vous ne voyez pas que l'ennemi se dispose à sortir de son camp, sortez vous-même du vôtre; par votre mouvement provoquez le sien, donnez-lui de fréquentes alarmes, faites-lui naître l'occasion de faire quelque imprudence dont vous puissiez tirer du profit.


S'il s'agit de garder, gardez avec force: ne vous endormez point. S'il s'agit d'aller, allez promptement, allez sûrement par des chemins qui ne soient connus que de vous.


Rendez-vous dans des lieux où l'ennemi ne puisse pas soupçonner que vous ayez dessein d'aller. Sortez tout à coup d'où il ne vous attend pas, et tombez sur lui lorsqu'il y pensera le moins.


Pour être certain de prendre ce que vous attaquez, il faut donner l'assaut là où il ne se protège pas; pour être certain de garder ce que vous défendez, il faut défendre un endroit que l'ennemi n'attaque pas.


Si après avoir marché assez longtemps, si par vos marches et contre-marches vous avez parcouru l'espace de mille lieues sans que vous ayez reçu encore aucun dommage, sans même que vous ayez été arrêté, concluez: ou que l'ennemi ignore vos desseins, ou qu'il a peur de vous, ou qu'il ne fait pas garder les postes qui peuvent être de conséquence pour lui. Évitez de tomber dans un pareil défaut.
Le grand art d'un général est de faire en sorte que l'ennemi ignore toujours le lieu où il aura à combattre, et de lui dérober avec soin la connaissance des postes qu'il fait garder. S'il en vient à bout, et qu'il puisse cacher de même jusqu'aux moindres de ses démarches, ce n'est pas seulement un habile général, c'est un homme extraordinaire, c'est un prodige. Sans être vu, il voit; il entend, sans être entendu; il agit sans bruit et dispose comme il lui plaît du sort de ses ennemis.


De plus, si, les armées étant déployées, vous n'apercevez pas qu'il y ait un certain vide qui puisse vous favoriser, ne tentez pas d'enfoncer les bataillons ennemis. Si, lorsqu'ils prennent la fuite, ou qu'ils retournent sur leurs pas, ils usent d'une extrême diligence et marchent en bon ordre, ne tentez pas de les poursuivre; ou, si vous les poursuivez, que ce ne soit jamais ni trop loin, ni dans les pays inconnus. Si, lorsque vous avez dessein de livrer la bataille, les ennemis restent dans leurs retranchements, n'allez pas les y attaquer, surtout s'ils sont bien retranchés, s'ils ont de larges fossés et des murailles élevées qui les couvrent. Si, au contraire, croyant qu'il n'est pas à propos de livrer le combat, vous voulez l'éviter, tenez-vous dans vos retranchements, et disposez-vous à soutenir l'attaque et à faire quelques sorties utiles.


Laissez fatiguer les ennemis, attendez qu'ils soient ou en désordre ou dans une très grande sécurité; vous pourrez sortir alors et fondre sur eux avec avantage.
Ayez constamment une extrême attention à ne jamais séparer les différents corps de vos armées. Faites qu'ils puissent toujours se soutenir aisément les uns les autres; au contraire, faites faire à l'ennemi le plus de diversion qu'il se pourra. S'il se partage en dix corps, attaquez chacun d'eux séparément avec votre armée toute entière; c'est le véritable moyen de combattre toujours avec avantage. De cette sorte, quelque petite que soit votre armée, le grand nombre sera toujours de votre côté.


Que l'ennemi ne sache jamais comment vous avez l'intention de le combattre, ni la manière dont vous vous disposez à l'attaquer, ou à vous défendre. Car, s'il se prépare au front, ses arrières seront faibles; s'il se prépare à l'arrière, son front sera fragile; s'il se prépare à sa gauche, sa droite sera vulnérable; s'il se prépare à sa droite, sa gauche sera affaiblie; et s'il se prépare en tous lieux, il sera partout en défaut. S'il l'ignore absolument, il fera de grands préparatifs, il tâchera de se rendre fort de tous les côtés, il divisera ses forces, et c'est justement ce qui fera sa perte.


Pour vous, n'en faites pas de même: que vos principales forces soient toutes du même côté; si vous voulez attaquer de front, faites choix d'un secteur, et mettez à la tête de vos troupes tout ce que vous avez de meilleur. On résiste rarement à un premier effort, comme, au contraire, on se relève difficilement quand on d'abord du dessous. L'exemple des braves suffit pour encourager les plus lâches. Ceux-ci suivent sans peine le chemin qu'on leur montre, mais ils ne sauraient eux-mêmes le frayer. Si vous voulez faire donner l'aile gauche, tournez tous vos préparatifs de ce côté-là, et mettez à l'aile droite ce que vous avez de plus faible; mais si vous voulez vaincre par l'aile droite, que ce soit à l'aile droite aussi que soient vos meilleures troupes et toute votre attention. 


Celui qui dispose de peu d'hommes doit se préparer contre l'ennemi, celui qui en a beaucoup doit faire en sorte que l'ennemi se prépare contre lui.


Ce n'est pas tout. Comme il est essentiel que vous connaissiez à fond le lieu où vous devez combattre, il n'est pas moins important que vous soyez instruit du jour, de l'heure, du moment même du combat; c'est une affaire de calcul sur laquelle il ne faut pas vous négliger. Si l'ennemi est loin de vous, sachez, jour par jour, le chemin qu'il fait, suivez-le pas à pas, quoique en apparence vous restiez immobile dans votre camp; voyez tout ce qu'il fait, quoique vos yeux ne puissent pas aller jusqu'à lui; écoutez tous les discours, quoique vous soyez hors de portée de l'entendre; soyez témoin de toute sa conduite, entrez même dans le fond de son cœur pour y lire ses craintes ou ses espérances.


Pleinement instruit de tous ses desseins, de toutes ses marches, de toutes ses actions, vous le ferez venir chaque jour précisément où vous voulez qu'il arrive. En ce cas, vous l'obligerez à camper de manière que le front de son armée ne puisse pas recevoir du secours de ceux qui sont à la queue, que l'aile droite ne puisse pas aider l'aile gauche, et vous le combattrez ainsi dans le lieu et au temps qui vous conviendront le plus.


Avant le jour déterminé pour le combat, ne soyez ni trop loin ni trop près de l'ennemi. L'espace de quelques lieues seulement est le terme qui doit vous en approcher le plus, et dix lieues entières sont le plus grand espace que vous deviez laisser entre votre armée et la sienne.


Ne cherchez pas à avoir une armée trop nombreuse, la trop grande quantité de monde est souvent plus nuisible qu'elle n'est utile. Une petite armée bien disciplinée est invincible sous un bon général. A quoi servaient au roi d'Yue les belles et nombreuses cohortes qu'il avait sur pied, lorsqu'il était en guerre contre le roi de Ou? Celui-ci, avec peu de troupes, avec une poignée de monde, le vainquit, le dompta, et ne lui laissa, de tous ses États, qu'un souvenir amer, et la honte éternelle de les avoir si mal gouvernés.


Je dis que la victoire peut être créée; même si l'ennemi est en nombre, je peux l'empêcher d'engager le combat; car, s'il ignore ma situation militaire, je peux faire en sorte qu'il se préoccupe de sa propre préparation: ainsi je lui ôte le loisir d'établir les plans pour me battre.


I. Détermine les plans de l'ennemi et tu sauras quelle stratégie sera couronnée de succès et celle qui ne le sera pas.
II. Perturbe-le et fais-lui dévoiler son ordre de bataille.
III. Détermine ses dispositions et fais-lui découvrir son champ de bataille.
IV. Mets-le à l'épreuve et apprends où sa force est abondante et où elle est déficiente.
V. La suprême tactique consiste à disposer ses troupes sans forme apparente; alors les espions les plus pénétrants ne peuvent fureter et les sages ne peuvent établir des plans contre vous.
VI. C'est selon les formes que j'établis des plans pour la victoire, mais la multitude ne le comprend guère. Bien que tous puissent voir les aspects extérieurs, personne ne peut comprendre la voie selon laquelle j'ai créé la victoire.
VII. Et quand j'ai remporté une bataille, je ne répète pas ma tactique, mais je réponds aux circonstances selon une variété infinie de voies.


Cependant si vous n'aviez qu'une petite armée, n'allez pas mal à propos vouloir vous mesurer avec une armée nombreuse; vous avez bien des précautions à prendre avant que d'en venir là. Quand on a les connaissances dont j'ai parlé plus haut, on sait s'il faut attaquer, ou se tenir simplement sur la défensive; on sait quand il faut rester tranquille, et quand il est temps de se mettre en mouvement; et si l'on est forcé de combattre, on sait si l'on sera vainqueur ou vaincu. A voir simplement la contenance des ennemis, on peut conclure sa victoire ou sa défaite, sa perte ou son salut. Encore une fois, si vous voulez attaquer le premier, ne le faites pas avant d'avoir examiné si vous avez tout ce qu'il faut pour réussir.
Au moment de déclencher votre action, lisez dans les premiers regards de vos soldats; soyez attentif à leurs premiers mouvements; et par leur ardeur ou leur nonchalance, par leur crainte ou leur intrépidité, concluez au succès ou à la défaite. Ce n'est point un présage trompeur que celui de la première contenance d'une armée prête à livrer le combat. Il en est telle qui ayant remporté la plus signalée victoire aurait été entièrement défaite si la bataille s'était livrée un jour plus tôt, ou quelques heures plus tard.


Il en doit être des troupes à peu près comme d'une eau courante. De même que l'eau qui coule évite les hauteurs et se hâte vers le pays plat, de même une armée évite la force et frappe la faiblesse.


Si la source est élevée, la rivière ou le ruisseau coulent rapidement. Si la source est presque de niveau, on s'aperçoit à peine de quelque mouvement. S'il se trouve quelque vide, l'eau le remplit d'elle-même dès qu'elle trouve la moindre issue qui la favorise. S'il y a des endroits trop pleins, l'eau cherche naturellement à se décharger ailleurs.


Pour vous, si, en parcourant les rangs de votre armée, vous voyez qu'il y a du vide, il faut le remplir; si vous trouvez du surabondant, il faut le diminuer; si vous apercevez du trop haut, il faut l'abaisser; s'il y du trop bas, il faut le relever.
L'eau, dans son cours, suit la situation du terrain dans lequel elle coule; de même, votre armée doit s'adapter au terrain sur lequel elle se meut. L'eau qui n'a point de pente ne saurait couler; des troupes qui ne sont pas bien conduites ne sauraient vaincre.


Le général habile tirera parti des circonstances même les plus dangereuses et les plus critiques. Il saura faire prendre la forme qu'il voudra, non seulement à l'armée qu'il commande mais encore à celle des ennemis.


Les troupes, quelles qu'elles puissent être, n'ont pas des qualités constantes qui les rendent invincibles; les plus mauvais soldats peuvent changer en bien et devenir d'excellents guerriers.


Conduisez-vous conformément à ce principe; ne laissez échapper aucune occasion, lorsque vous la trouverez favorable. Les cinq éléments ne sont pas partout ni toujours également purs; les quatre saisons ne se succèdent pas de la même manière chaque année; le lever et le coucher du soleil ne sont pas constamment au même point de l'horizon. Parmi les jours, certains sont longs, d'autres courts. La lune croît et décroît et n'est pas toujours également brillante. Une armée bien conduite et bien disciplinée imite à propos toutes ces variétés.

Article VIII
DES NEUF CHANGEMENTS

Sun Tzu dit: Ordinairement l'emploi des armées relève du commandant en chef, après que le souverain l'a mandaté pour mobiliser le peuple et assembler l'armée.


I. Si vous êtes dans des lieux marécageux, dans les lieux où il y a à craindre les inondations, dans les lieux couverts d'épaisses forêts ou de montagnes escarpées, dans des lieux déserts et arides, dans des lieux où il n'y a que des rivières et des ruisseaux, dans des lieux enfin d'où vous ne puissiez aisément tirer du secours, et où vous ne seriez appuyé d'aucune façon, tâchez d'en sortir le plus promptement qu'il vous sera possible. Allez chercher quelque endroit spacieux et vaste où vos troupes puissent s'étendre, d'où elles puissent sortir aisément, et où vos alliés puissent sans peine vous porter les secours dont vous pourriez avoir besoin.


II. Evitez, avec une extrême attention, de camper dans des lieux isolés; ou si la nécessité vous y force, n'y restez qu'autant de temps qu'il en faut pour en sortir. Prenez sur-le-champ des mesures efficaces pour le faire en sûreté et en bon ordre.


III. Si vous vous trouvez dans des lieux éloignés des sources, des ruisseaux et des puits, où vous ne trouviez pas aisément des vivres et du fourrage, ne tardez pas de vous en tirer. Avant que de décamper, voyez si le lieu que vous choisissez est à l'abri par quelque montagne au moyen de laquelle vous soyez à couvert des surprises de l'ennemi, si vous pouvez en sortir aisément, et si vous y avez les commodités nécessaires pour vous procurer les vivres et les autres provisions; s'il est tel, n'hésitez point à vous en emparer.


IV. Si vous êtes dans un lieu de mort, cherchez l'occasion de combattre. J'appelle lieu de mort ces sortes d'endroits où l'on a aucune ressource, où l'on dépérit insensiblement par l'intempérie de l'air, où les provisions se consument peu à peu sans espérance d'en pouvoir faire de nouvelles; où les maladies, commençant à se mettre dans l'armée, semblent devoir y faire bientôt de grands ravages. Si vous vous trouvez dans de telles circonstances, hâtez-vous de livrer quelque combat. Je vous réponds que vos troupes n'oublieront rien pour bien se battre. Mourir de la main des ennemis leur paraîtra quelque chose de bien doux au prix de tous les maux qu'ils voient prêts à fondre sur eux et à les accabler.


V. Si, par hasard ou par votre faute, votre armée se rencontrait dans des lieux plein de défilés, où l'on pourrait aisément vous tendre des embûches, d'où il ne serait pas aisé de vous sauver en cas de poursuite, où l'on pourrait vous couper les vivres et les chemins, gardez-vous bien d'y attaquer l'ennemi; mais si l'ennemi vous y attaque, combattez jusqu'à la mort. Ne vous contentez pas de quelque petit avantage ou d'une demi-victoire; ce pourrait être une amorce pour vous défaire entièrement. Soyez même sur vos gardes, après que vous aurez eu toutes les apparences d'une victoire complète.


VI. Quand vous saurez qu'une ville, quelque petite qu'elle soit, est bien fortifiée et abondamment pourvue de munitions de guerre et de bouche, gardez-vous bien d'en aller faire le siège; et si vous n'êtes instruit de l'état où elle se trouve qu'après que le siège en aura été ouvert, ne vous obstinez pas à vouloir le continuer, vous courrez le risque de voir toutes vos forces échouer contre cette place, que vous serez enfin contraint d'abandonner honteusement.


VII. Ne négligez pas de courir après un petit avantage lorsque vous pourrez vous le procurer sûrement et sans aucune perte de votre part. Plusieurs de ces petits avantages qu'on pourrait acquérir et qu'on néglige occasionnent souvent de grandes pertes et des dommages irréparables.


VIII. Avant de songer à vous procurer quelque avantage, comparez-le avec le travail, la peine, les dépenses et les pertes d'hommes et de munitions qu'il pourra vous occasionner. Sachez à peu près si vous pourrez le conserver aisément; après cela, vous vous déterminerez à le prendre ou à le laisser suivant les lois d'une saine prudence.


IX. Dans les occasions où il faudra prendre promptement son parti, n'allez pas vouloir attendre les ordres du prince. S'il est des cas où il faille agir contre des ordres reçus, n'hésitez pas, agissez sans crainte. La première et principale intention de celui qui vous met à la tête de ses troupes est que vous soyez vainqueur des ennemis. S'il avait prévu la circonstance où vous vous trouvez, il vous aurait dicté lui-même la conduite que vous voulez tenir.

Voilà ce que j'appelle les neuf changements ou les neuf circonstances principales qui doivent vous engager à changer la contenance ou la position de votre armée, à changer de situation, à aller ou à revenir, à attaquer ou à vous défendre, à agir ou à vous tenir en repos. Un bon général ne doit jamais dire: Quoi qu'il arrive, je ferai telle chose, j'irai là, j'attaquerai l'ennemi, j'assiégerai telle place. La circonstance seule doit le déterminer; il ne doit pas s'en tenir à un système général, ni à une manière unique de gouverner. Chaque jour, chaque occasion, chaque circonstance demande une application particulière des mêmes principes. Les principes sont bons en eux-mêmes; mais l'application qu'on en fait les rend souvent mauvais.


Un grand général doit savoir l'art des changements. S'il s'en tient à une connaissance vague de certains principes, à une application routinière des règles de l'art, si ses méthodes de commandement sont dépourvues de souplesse, s'il examine les situations conformément à quelques schémas, s'il prend ses résolutions d'une manière mécanique, il ne mérite pas de commander.
Un général est un homme qui, par le rang qu'il occupe, se trouve au-dessus d'une multitude d'autres hommes; il faut par conséquent qu'il sache gouverner les hommes; il faut qu'il sache les conduire; il faut qu'il soit véritablement au-dessus d'eux, non pas seulement par sa dignité, mais par son esprit, par son savoir, par sa capacité, par sa conduite, par sa fermeté, par son courage et par ses vertus. Il faut qu'il sache distinguer les vrais d'avec les faux avantages, les véritables pertes d'avec ce qui n'en a que l'apparence; qu'il sache compenser l'un par l'autre et tirer parti de tout. Il faut qu'il sache employer à propos certains artifices pour tromper l'ennemi, et qu'il se tienne sans cesse sur ses gardes pour n'être pas trompé lui-même. Il ne doit ignorer aucun des pièges qu'on peut lui tendre, il doit pénétrer tous les artifices de l'ennemi, de quelque nature qu'ils puissent être, mais il ne doit pas pour cela vouloir deviner. Tenez-vous sur vos gardes, voyez-le venir, éclairez ses démarches et toute sa conduite, et concluez. Vous courriez autrement le risque de vous tromper et d'être la dupe ou la triste victime de vos conjectures précipitées.


Si vous voulez n'être jamais effrayé par la multitude de vos travaux et de vos peines, attendez-vous toujours à tout ce qu'il y aura de plus dur et de plus pénible. Travaillez sans cesse à susciter des peines à l'ennemi. Vous pourrez le faire de plus d'une façon, mais voici ce qu'il y a d'essentiel en ce genre.
N'oubliez rien pour lui débaucher ce qu'il y aura de mieux dans son parti: offres, présents, caresses, que rien ne soit omis. Trompez même s'il le faut: engagez les gens d'honneur qui sont chez lui à des actions honteuses et indignes de leur réputation, à des actions dont ils aient lieu de rougir quand elles seront sues, et ne manquez pas de les faire divulguer.


Entretenez des liaisons secrètes avec ce qu'il y a de plus vicieux chez les ennemis; servez-vous-en pour aller à vos fins, en leur joignant d'autres vicieux.
Traversez leur gouvernement, semez la dissension parmi leurs chefs, fournissez des sujets de colère aux uns contre les autres, faites-les murmurer contre leurs officiers, ameutez les officiers subalternes contre leurs supérieurs, faites en sorte qu'ils manquent de vivres et de munitions, répandez parmi eux quelques airs d'une musique voluptueuse qui leur amolisse le coeur, envoyez-leur des femmes pour achever de les corrompre, tâchez qu'ils sortent lorsqu'il faudra qu'ils soient dans leur camp, et qu'ils soient tranquilles dans leur camp lorsqu'il faudrait qu'ils tinssent la campagne; faites leur donner sans cesse de fausses alarmes et de faux avis; engagez dans vos intérêts les gouverneurs de leurs provinces; voilà à peu près ce que vous devez faire, si vous voulez tromper par l'adresse et par la ruse.


Ceux des généraux qui brillaient parmi nos Anciens étaient des hommes sages, prévoyants, intrépides et durs au travail. Ils avaient toujours leurs sabres pendus à leurs côtés, ils ne présumaient jamais que l'ennemi ne viendrait pas, ils étaient toujours prêts à tout évènement, ils se rendaient invincibles et, s'ils rencontraient l'ennemi, ils n'avaient pas besoin d'attendre du secours pour se mesurer avec lui. Les troupes qu'ils commandaient étaient bien disciplinées, et toujours disposées à faire un coup de main au premier signal qu'ils leur en donnaient.


Chez eux la lecture et l'étude précédaient la guerre et les y préparaient. Ils gardaient avec soin leurs frontières, et ne manquaient pas de bien fortifier leurs villes. Ils n'allaient pas contre l'ennemi, lorsqu'ils étaient instruits qu'il avait fait tous ses préparatifs pour les bien recevoir; ils l'attaquaient par ses endroits faibles, et dans le temps de sa paresse et de son oisiveté.


Avant que de finir cet article, je dois vous prévenir contre cinq sortes de dangers, d'autant plus à redouter qu'ils paraissent moins à craindre, écueils funestes contre lesquels la prudence et la bravoure ont échoué plus d'une fois.


I. Le premier est une trop grande ardeur à affronter la mort; ardeur téméraire qu'on honore souvent des beaux noms de courage, d'intrépidité et de valeur, mais qui, au fond, ne mérite guère que celui de lâcheté. Un général qui s'expose sans nécessité, comme le ferait un simple soldat, qui semble chercher les dangers et la mort, qui combat et qui fait combattre jusqu'à la dernière extrémité, est un homme qui mérite de mourir. C'est un homme sans tête, qui ne sourait trouver aucune ressource pour se tirer d'un mauvais pas; c'est un lâche qui ne saurait souffrir le moindre échec sans en être consterné, et qui se croit perdu si tout ne lui réussit.


II. Le deuxième est une trop grande attention à conserver ses jours. On se croit nécessaire à l'armée entière; on n'aurait garde de s'exposer; on n'oserait pour cette raison se pourvoir de vivres chez l'ennemi; tout fait ombrage, tout fait peur; on est toujours en suspens, on ne se détermine à rien, on attend une occasion plus favorable, on perd celle qui se présente, on ne fait aucun mouvement; mais l'ennemi, qui est toujours attentif, profite de tout, et fait bientôt perdre toute espérance à un général ainsi prudent. Il l'enveloppera, il lui coupera les vivres et le fera périr par le trop grand amour qu'il avait de conserver sa vie.


III. Le troisième est une colère précipitée. Un général qui ne sait pas se modérer, qui n'est pas maître de lui-même, et qui se laisse aller aux premiers mouvements d'indignation ou de colère, ne saurait manquer d'être la dupe des ennemis. Ils le provoqueront, ils lui tendront mille pièges que sa fureur l'empêchera de reconnaître, et dans lesquels il donnera infailliblement.


IV. Le quatrième est un point d'honneur mal entendu. Un général ne doit pas se piquer mal à propos, ni hors de raison; il doit savoir dissimuler; il ne doit point se décourager après quelque mauvais succès, ni croire que tout est perdu parce qu'il aura fait quelque faute ou qu'il aura reçu quelque échec. Pour vouloir réparer son honneur légèrement blessé, on le perd quelquefois sans ressources.


V. Le cinquième, enfin, est une trop grande complaisance ou une compassion trop tendre pour le soldat. Un général qui n'ose punir, qui ferme les yeux sur le désordre, qui craint que les siens ne soient toujours accablés sous le poids du travail, et qui n'oserait pour cette raison leur en imposer, est un général propre à tout perdre. Ceux d'un rang inférieur doivent avoir des peines; il faut toujours avoir quelque occupation à leur donner; il faut qu'ils aient toujours quelque chose à souffrir. Si vous voulez tirer parti de leur service, faites en sorte qu'ils ne soient jamais oisifs. Punissez avec sévérité, mais sans trop de rigueur. Procurez des peines et du travail, mais jusqu'à un certain point.

Un général doit se prémunir contre tous ces dangers. Sans trop chercher à vivre ou à mourir, il doit se conduire avec valeur et avec prudence, suivant que les circonstances l'exigent.


S'il a de justes raisons de se mettre en colère, qu'il le fasse, mais que ce ne soit pas en tigre qui ne connaît aucun frein.


S'il croit que son honneur est blessé, et qu'il veuille le réparer, que ce soit en suivant les règles de la sagesse, et non pas les caprices d'une mauvaise honte.
Qu'il aime ses soldats, qu'il les ménage, mais que ce soit avec discrétion.


S'il livre des batailles, s'il fait des mouvements dans son camp, s'il assiège des villes, s'il fait des excursions, qu'il joigne la ruse à la valeur, la sagesse à la force des armes; qu'il répare tranquillement ses fautes lorsqu'il aura eu le malheur d'en faire; qu'il profite de toutes celles de son ennemi, et qu'il le mette souvent dans l'occasion d'en faire de nouvelles.


Article XII
DE L'ART D'ATTAQUER PAR LE FEU


Sun Tzu dit: Les différentes manières de combattre par le feu se réduisent à cinq. La première consiste à brûler les hommes; la deuxième, à brûler les provisions; la troisième, à brûler les bagages; la quatrième, à brûler les arsenaux et les magasins; et la cinquième, à utiliser des projectiles incendiaires.


Avant que d'entreprendre ce genre de combat, il faut avoir tout prévu, il faut avoir reconnu la position des ennemis, il faut s'être mis au fait de tous les chemins par où il pourrait s'échapper ou recevoir du secours, il faut s'être muni des choses nécessaires pour l'exécution du projet, il faut que le temps et les circonstances soient favorables.


Préparez d'abord toutes les matières combustibles dont vous voulez faire usage: dès que vous aurez mis le feu, faites attention à la fumée. Il y a le temps de mettre le feu, il y a le jour de le faire éclater: n'allez pas confondre ces deux choses. Le temps de mettre le feu est celui où tout est tranquille sous le Ciel, où la sérénité paraît devoir être de durée. Le jour de le faire éclater est celui où la lune se trouve sous une des quatre constellations, Qi, Pi, Y, Tchen. Il est rare que le vent ne souffle point alors, et il arrive très souvent qu'il souffle avec force.


Les cinq manières de combattre par le feu demandent de votre part une conduite qui varie suivant les circonstances: ces variations se réduisent à cinq. Je vais les indiquer, afin que vous puissiez les employer dans les occasions.


1. Dès que vous aurez mis le feu, si, après quelque temps, il n'y a aucune rumeur dans le camp des ennemis, si tout est tranquille chez eux, restez vous-même tranquille, n'entreprenez rien; attaquer imprudemment, c'est chercher à se faire battre. Vous savez que le feu a pris, cela doit vous suffire: en attendant, vous devez supposer qu'il agit sourdement; ses effets n'en seront que plus funestes. Il est au-dedans; attendez qu'il éclate et que vous en voyiez des étincelles au-dehors, vous pourrez aller recevoir ceux qui ne chercheront qu'à se sauver.


2. Si peu de temps après avoir mis le feu, vous voyez qu'il s'élève par tourbillons, ne donnez pas aux ennemis le temps de l'éteindre, envoyez des gens pour l'attiser, disposez promptement toutes choses, et courez au combat.


3. Si malgré toutes vos mesures et tous les artifices que vous aurez pu employer, il n'a pas été possible à vos gens de pénétrer dans l'intérieur, et si vous êtes forcé à ne pouvoir mettre le feu que par dehors, observez de quel côté vient le vent; c'est de ce côté que doit commencer l'incendie; c'est par le même côté que vous devez attaquer. Dans ces sortes d'occasions, qu'il ne vous arrive jamais de combattre sous le vent.


4. Si pendant le jour le vent a soufflé sans discontinuer, regardez comme une chose sûre que pendant la nuit il y aura un temps où il cessera; prenez là-dessus vos précautions et vos arrangements.


5. Un général qui, pour combattre ses ennemis, sait employer le feu toujours à propos est un homme véritablement éclairé. Un général qui sait se servir de l'eau et de l'inondation pour la même fin est un excellent homme. Cependant, il ne faut employer l'eau qu'avec discrétion. Servez-vous-en, à la bonne heure; mais que ce ne soit que pour gâter les chemins par où les ennemis pourraient s'échapper ou recevoir du secours.


Les différentes manières de combattre par le feu, telles que je viens de les indiquer, sont ordinairement suivies d'une pleine victoire, dont il faut que vous sachiez recueillir les fruits. Le plus considérable de tous, et celui sans lequel vous auriez perdu vos soins et vos peines, est de connaître le mérite de tous ceux qui se seront distingués, c'est de les récompenser en proportion de ce qu'ils auront fait pour la réussite de l'entreprise. Les hommes se conduisent ordinairement par l'intérêt; si vos troupes ne trouvent dans le service que des peines et des travaux, vous ne les emploierez pas deux fois avec avantage.


La nécessité seule doit faire entreprendre la guerre. Les combats, de quelque nature qu'ils soient, ont toujours quelque chose de funeste pour les vainqueurs eux-mêmes; il ne faut les livrer que lorsqu'on ne saurait faire la guerre autrement.
Lorsqu'un souverain est animé par la colère ou par la vengeance, qu'il ne lui arrive jamais de lever des troupes. Lorsqu'un général trouve qu'il a dans le coeur les mêmes sentiments, qu'il ne livre jamais de combats. Pour l'un et pour l'autre ce sont des temps nébuleux: qu'ils attendent les jours de sérénité pour se déterminer et pour entreprendre.


S'il y a quelque profit à espérer en vous mettant en mouvement, faites marcher votre armée; si vous ne prévoyez aucun avantage, tenez-vous en repos; eussiez-vous les sujets les plus légitimes d'être irrité, vous eût-on provoqué, insulté même, attendez, pour prendre votre parti, que le feu de la colère se soit dissipé et que les sentiments pacifiques s'élèvent en foule dans votre coeur. N'oubliez jamais que votre dessein, en faisant la guerre, doit être de procurer à l'État la gloire, la splendeur et la paix, et non pas d'y mettre le trouble, la désolation et la confusion.


Ce sont les intérêts du pays et non pas vos intérêts personnels que vous défendez. Vos vertus et vos vices, vos belles qualités et vos défauts rejaillissent également sur ceux que vous représentez. Vos moindres fautes sont toujours de conséquence; les grandes sont souvent irréparables, et toujours très funestes. Il est difficile de soutenir un royaume que vous aurez mis sur le penchant de sa ruine; il est impossible de le relever, s'il est une fois détruit: on ne ressuscite pas un mort.


De même qu'un prince sage et éclairé met tous ses soins à bien gouverner, ainsi un général habile n'oublit rien pour former de bonnes troupes, et pour les employer à sauvegarder l'État et à préserver l'armée.


Article XIII
DE LA CONCORDE ET DE LA DISCORDE


Sun Tzu dit: Si, ayant sur pied une armée de cent mille hommes, vous devez la conduire jusqu'à la distance de cent lieues, il faut compter qu'au-dehors, comme au-dedans, tout sera en mouvement et en rumeur. Les villes et les villages dont vous aurez tiré les hommes qui composent vos troupes; les hameaux et les campagnes dont vous aurez tiré vos provisions et tout l'attirail de ceux qui doivent les conduire; les chemins remplis de gens qui vont et viennent, tout cela ne saurait arriver qu'il n'y ait bien des familles dans la désolation, bien des terres incultes, et bien des dépenses pour l'État.


Sept cent mille familles dépourvues de leurs chefs ou de leurs soutiens se trouvent tout à coup hors d'état de vaquer à leurs travaux ordinaires; les terres privées d'un pareil nombre de ceux qui les faisaient valoir diminuent, en proportion des soins qu'on leur refuse, la quantité comme la qualité de leurs productions.
Les appointements de tant d'officiers, la paie journalière de tant de soldats et l'entretien de tout le monde creusent peu à peu les greniers et les coffres du prince comme ceux du peuple, et ne sauraient manquer de les épuiser bientôt.
Être plusieurs années à observer ses ennemis, ou à faire la guerre, c'est ne point aimer le peuple, c'est être l'ennemi de son pays; toutes les dépenses, toutes les peines, tous les travaux et toutes les fatigues de plusieurs années n'aboutissent le plus souvent, pour les vainqueurs eux-mêmes, qu'à une journée de triomphe et de gloire, celle où ils ont vaincu. N'employer pour vaincre que la voie des sièges et des batailles, c'est ignorer également et les devoirs de souverain et ceux de général; c'est ne pas savoir gouverner; c'est ne pas savoir servir l'État.

Ainsi, le dessein de faire la guerre une fois formé, les troupes étant déjà sur pied et en état de tout entreprendre, ne dédaignez pas d'employer les artifices.
Commencez par vous mettre au fait de tout ce qui concerne les ennemis; sachez exactement tous les rapports qu'ils peuvent avoir, leurs liaisons et leurs intérêts réciproques; n'épargnez pas les grandes sommes d'argent; n'ayez pas plus de regret à celui que vous ferez passer chez l'étranger, soit pour vous faire des créatures, soit pour vous procurer des connaissances exactes, qu'à celui que vous emploierez pour la paie de ceux qui sont enrôlés sous vos étendards: plus vous dépenserez, plus vous gagnerez; c'est un argent que vous placez pour en retirer un gros intérêt.


Ayez des espions partout, soyez instruit de tout, ne négligez rien de ce que vous pourrez apprendre; mais, quand vous aurez appris quelque chose, ne la confiez pas indiscrètement à tous ceux qui vous approchent.


Lorsque vous emploierez quelque artifice, ce n'est pas en invoquant les Esprits, ni en prévoyant à peu près ce qui doit ou peut arriver, que vous le ferez réussir; c'est uniquement en sachant sûrement, par le rapport fidèle de ceux dont vous vous servirez, la disposition des ennemis, eu égard à ce que vous voulez qu'ils fassent.
Quand un habile général se met en mouvement, l'ennemi est déjà vaincu: quand il combat, il doit faire lui seul plus que toute son armée ensemble; non pas toutefois par la force de son bras, mais par sa prudence, par sa manière de commander, et surtout par ses ruses. Il faut qu'au premier signal une partie de l'armée ennemie se range de son côté pour combattre sous ses étendards: il faut qu'il soit toujours le maître d'accorder la paix et de l'accorder aux conditions qu'il jugera à propos.
Le grand secret de venir à bout de tout consiste dans l'art de savoir mettre la division à propos; division dans les villes et les villages, divisionextérieure, division entre les inférieurs et les supérieurs, division de mort, division de vie.
Ces cinq sortes de divisions ne sont que les branches d'un même tronc. Celui qui sait les mettre en usage est un homme véritablement digne de commander; c'est le trésor de son souverain et le soutien de l'empire.


J'appelle division dans les villes et les villages celle par laquelle on trouve le moyen de détacher du parti ennemi les habitants des villes et des villages qui sont de sa domination, et de se les attacher de manière à pouvoir s'en servir sûrement dans le besoin.


J'appelle division extérieure celle par laquelle on trouve le moyen d'avoir à son service les officiers qui servent actuellement dans l'armée ennemie.


Par la division entre les inférieurs et les supérieurs, j'entends celle qui nous met en état de profiter de la mésintelligence que nous aurons su mettre entre alliés, entre les différents corps, ou entre les officiers de divers grades qui composent l'armée que nous aurons à combattre.


La division de mort est celle par laquelle, après avoir fait donner de faux avis sur l'état où nous nous trouvons, nous faisons courir des bruits tendancieux, lesquels nous faisons passer jusqu'à la cour de son souverain, qui, les croyant vrais, se conduit en conséquence envers ses généraux et tous les officiers qui sont actuellement à son service.


La division de vie est celle par laquelle on répand l'argent à pleines mains envers tous ceux qui, ayant quitté le service de leur légitime maître, ont passé de votre côté, ou pour combattre sous vos étendards, ou pour vous rendre d'autres services non moins essentiels.


Si vous avez su vous faire des créatures dans les villes et les villages des ennemis, vous ne manquerez pas d'y avoir bientôt quantité de gens qui vous seront entièrement dévoués. Vous saurez par leur moyen les dispositions du grand nombre des leurs à votre égard, ils vous suggéreront la manière et les moyens que vous devez employer pour gagner ceux de leurs compatriotes dont vous aurez le plus à craindre; et quand le temps de faire des sièges sera venu, vous pourrez faire des conquêtes, sans être obligé de monter à l'assaut, sans coup férir, sans même tirer l'épée.


Si les ennemis qui sont actuellement occupés à vous faire la guerre ont à leur service des officiers qui ne sont pas d'accord entre eux; si de mutuels soupçons, de petites jalousies, des intérêts personnels les tiennent divisés, vous trouverez aisément les moyens d'en détacher une partie, car quelque vertueux qu'ils puissent être d'ailleurs, quelque dévoués qu'ils soient à leur souverain, l'appât de la vengeance, celui des richesses ou des postes éminents que vous leur promettez, suffiront amplement pour les gagner; et quand une fois ces passions seront allumées dans leur coeur, il n'est rien qu'ils ne tenteront pour les satisfaire.


Si les différents corps qui composent l'armée des ennemis ne se soutiennent pas entre eux, s'ils sont occupés à s'observer mutuellement, s'ils cherchent réciproquement à se nuire, il vous sera aisé d'entretenir leur mésintelligence, de fomenter leurs divisions; vous les détruirez peu à peu les uns par les autres, sans qu'il soit besoin qu'aucun d'eux se déclare ouvertement pour votre parti; tous vous serviront sans le vouloir, même sans le savoir.


Si vous avez fait courir des bruits, tant pour persuader ce que vous voulez qu'on croie de vous, que sur les fausses démarches que vous supposerez avoir été faites par les généraux ennemis; si vous avez fait passer de faux avis jusqu'à la cour et au conseil même du prince contre les intérêts duquel vous avez à combattre; si vous avez su faire douter des bonnes intentions de ceux mêmes dont la fidélité à leur prince vous sera la plus connue, bientôt vous verrez que chez les ennemis les soupçons ont pris la place de la confiance, que les récompenses ont été substituées aux châtiments et les châtiments aux récompenses, que les plus légers indices tiendront lieu des preuves les plus convaincantes pour faire périr quiconque sera soupçonné.


Alors les meilleurs officiers, leurs ministres les plus éclairés se dégoûteront, leur zèle se ralentira; et se voyant sans espérance d'un meilleur sort, ils se réfugieront chez vous pour se délivrer des justes craintes dont ils étaient perpétuellement agités, et pour mettre leurs jours à couvert.


Leurs parents, leurs alliés ou leurs amis seront accusés, recherchés, mis à mort. Les complots se formeront, l'ambition se réveillera, ce ne seront plus que perfidies, que cruelles exécutions, que désordres, que révoltes de tous côtés.
Que vous restera-t-il à faire pour vous rendre maître d'un pays dont les peuples voudraient déjà vous voir en possession?


Si vous récompensez ceux qui se seront donnés à vous pour se délivrer des justes craintes dont ils étaient perpétuellement agités, et pour mettre leurs jours à couvert; si vous leur donnez de l'emploi, leurs parents, leurs alliés, leur amis seront autant de sujets que vous acquerrez à votre prince.


Si vous répandez l'argent à pleines mains, si vous traitez bien tout le monde, si vous empêchez que vos soldats ne fassent le moindre dégât dans les endroits par où ils passeront, si les peuples vaincus ne souffrent aucun dommage, assurez-vous qu'ils sont déjà gagnés, et que le bien qu'ils diront de vous attirera plus de sujets à votre maître et plus de villes sous sa domination que les plus brillantes victoires.


Soyez vigilant et éclairé; mais montrez à l'extérieur beaucoup de sécurité, de simplicité et même d'indifférence; soyez toujours sur vos gardes, quoique vous paraissiez ne penser à rien; défiez-vous de tout, quoique vous paraissiez sans défiance; soyez extrêmement secret, quoiqu'il paraisse que vous ne fassiez rien qu'à découvert; ayez des espions partout; au lieu de paroles, servez-vous de signaux; voyez par la bouche, parlez par les yeux; cela n'est pas aisé, cela est très difficile. On est quelquefois trompé lorsqu'on croit tromper les autres. Il n'y a qu'un homme d'une prudence consommée, qu'un homme extrêmement éclairé, qu'un sage du premier ordre qui puisse employer à propos et avec succès l'artifice des divisions. Si vous n'êtes point tel, vous devez y renoncer; l'usage que vous en feriez ne tournerait qu'à votre détriment.


Après avoir enfanté quelque projet, si vous apprenez que votre secret a transpiré, faites mourir sans rémission tant ceux qui l'auront divulgué que ceux à la connaissance desquels il sera parvenu. Ceux-ci ne sont point coupables encore à la vérité, mais ils pourraient le devenir. Leur mort sauvera la vie à quelques milliers d'hommes et assurera la fidélité d'un plus grand nombre encore.


Punissez sévèrement, récompensez avec largesse: multipliez les espions, ayez-en partout, dans le propre palais du prince ennemi, dans l'hôtel de ses ministres, sous les tentes de ses généraux; ayez une liste des principaux officiers qui sont à son service; sachez leurs noms, leurs surnoms, le nombre de leurs enfants, de leurs parents, de leurs amis, de leurs domestiques; que rien ne se passe chez eux que vous n'en soyez instruit.


Vous aurez vos espions partout: vous devez supposer que l'ennemi aura aussi les siens. Si vous venez à les découvrir, gardez-vous bien de les faire mettre à mort; leurs jours doivent vous être infiniment précieux. Les espions des ennemis vous serviront efficacement, si vous mesurez tellement vos démarches, vos paroles et toutes vos actions, qu'ils ne puissent jamais donner que de faux avis à ceux qui les ont envoyés.


Enfin, un bon général doit tirer parti de tout; il ne doit être surpris de rien, quoi que ce soit qui puisse arriver. Mais par-dessus tout, et de préférence à tout, il doit mettre en pratique ces cinq sortes de divisions. Rien n'est impossible à qui sait s'en servir.


Défendre les États de son souverain, les agrandir, faire chaque jour de nouvelles conquêtes, exterminer les ennemis, fonder même de nouvelles dynasties, tout cela peut n'être que l'effet des dissensions employées à propos.


Telle fut la voie qui permit l'avènement des dynasties Yin et Tcheou, lorsque des serviteurs transfuges contribuèrent à leur élévation.

Quel est celui de nos livres qui ne fait l'éloge de ces grands ministres! L'Histoire leur a-t-elle jamais donné les noms de traîtres à leur patrie, ou de rebelles à leur souverain? Seul le prince éclairé et le digne général peuvent gagner à leur service les esprits les plus pénétrants et accomplir de vastes desseins.


Une armée sans agents secrets est un homme sans yeux ni oreilles.


Bien entendu ce livre de chevet que plusieurs dirigeants d'entreprises et de gouvernements ainsi que de cadres supérieurs possède, doit être connu comme un outil pour comprendre et en saisir la manière que c'est gens agissent.